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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/26

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Vil Esclave, t’ai-je demandé cela ? Nous avons gagné la victoire ! La mere court au Temple, & rend graces aux Dieux. Voilà la citoyenne.

Celui qui dans l’ordre civil veut conserver la primauté des sentiments de la nature, ne sait ce qu’il veut. Toujours en contradiction avec lui-même, toujours flottant entre ses penchans & ses devoirs, il ne sera jamais ni homme ni citoyen ; il ne sera bon ni pour lui ni pour les autres. Ce sera un de ces hommes de nos jours ; un François, un Anglois, un Bourgeois ; ce ne sera rien.

Pour être quelque chose, pour être soi-même & toujours un, il faut agir comme on parle ; il faut être toujours décidé sur le parti que l’on doit prendre, le prendre hautement, & le suivre toujours. J’attends qu’on me montre ce prodige pour savoir s’il est homme ou citoyen, ou comment il s’y prend pour être à la fois l’un & l’autre.

De ces objets nécessairement opposés, viennent deux formes d’institutions contraires ; l’une publique & commune, l’autre particuliere & domestique.

Voulez-vous prendre une idée de l’éducation publique ? Lisez la République de Platon. Ce n’est point un ouvrage de politique, comme le pensent ceux qui ne jugent des livres que par leurs titres. C’est le plus beau traité d’éducation qu’on ait jamais fait.

Quand on veut renvoyer au pays des chimeres, on nomme l’institution de Platon. Si Lycurgue n’eût mis la sienne que par écrit, je la trouverois bien plus chimérique.