Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/101

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des raisons de leurs adversaires ! Mais comment faire ? Si quelqu’un osoit publier parmi nous des livres où l’on favoriseroit ouvertement le judaïsme, nous punirions l’auteur, l’éditeur, le libraire [1]. Cette police est commode & sûre, pour avoir toujours raison. Il y a plaisir à réfuter des gens qui n’osent parler.

Ceux d’entre nous qui sont à portée de converser avec des juifs ne sont guère plus avancés. Les malheureux se sentent à notre discrétion ; la tyrannie qu’on exerce envers eux les rend craintifs ; ils savent combien peu l’injustice & la cruauté coûtent à la charité chrétienne : qu’oseront-ils dire sans s’exposer à nous faire crier au blasphème ? L’avidité nous donne du zèle, & ils sont trop riches pour n’avoir pas tort. Les plus savants, les plus éclairés sont toujours les plus circonspects. Vous convertirez quel que misérable, payé pour calomnier sa secte ; vous ferez parler quelques vils fripiers, qui. céderont pour vous flatter vous triompherez de leur ignorance ou de leur lâcheté, tandis que leurs docteurs souriront en silence de votre ineptie. Mais croyez-vous que dans des lieux où ils se sentiroient en sûreté l’on eût aussi bon marché d’eux ? En Sorbonne, il est clair comme le jour que les prédictions du Messie se rapportent à Jésus-Christ. Chez les rabbins

  1. Entre mille faits connus, en voici un qui n’a pas besoin de commentaire. Dans le xvi siècle, les théologiens catholiques ayant condamné au feu tous les livres des Juifs, sans distinction, l’illustre & savant Reuchlin, consulté sur cette affaire, s’en attira de terribles qui faillirent le perdre, pour avoir seulement été d’avis qu’on pouvoit conserver ceux de ces livres qui ne faisaient rien contre le christianisme, & qui traitoient de matières indifférentes à la religion.