Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/14

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la vertu. Il avoit vu que la religion ne sert que de masque à l’intérêt, et le culte sacré de sauvegarde : il avoit vu, dans la subtilité des vaines disputes, le paradis & l’enfer mis pour prix à des jeux de mots ; il avoit vu la sublime et primitive idée de la Divinité défigurée par les fantasques imaginations des hommes ; &, trouvant que pour croire en Dieu il falloit renoncer au jugement qu’on avoit reçu de lui, il prit dans le même dédain nos ridicules rêveries & l’objet auquel nous les appliquons. Sans rien savoir de ce qui est, sans rien imaginer sur la génération des choses, il se plongea dans sa stupide ignorance avec un profond mépris pour tous ceux qui pensoient en savoir plus que lui."

" L’oubli de toute religion conduit à l’oubli des devoirs de l’homme. Ce progrès étoit déjà plus d’à moitié fait dans le cœur du libertin. Ce n’étoit pas pourtant un enfant mal né ; mais l’incrédulité, la misère, étouffant peu à peu le naturel, l’entraînoient rapidement à sa perte, & ne lui préparoient que les mœurs d’un gueux & la morale d’un athée."

" Le mal, presque inévitable, n’étoit pas absolument consommé. Le jeune homme avoit des connaissances, & son éducation n’avoit pas été négligée. Il étoit dans cet âge heureux où le sang en fermentation commence d’échauffer l’âme sans l’asservir aux fureurs des sens. La sienne avoit encore tout son ressort. Une honte native, un caractère timide suppléoient à la gêne & prolongeoient pour lui cette époque dans laquelle vous maintenez votre élève avec