Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/170

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un des plus jeunes des sociétés où il se trouvera, il sera toujours un des plus modestes, non par la vanité de paraître humble, mais par un sentiment naturel & fondé sur la raison. Il n’aura point l’impertinent savoir-vivre d’un jeune fat, qui, pour amuser la compagnie, parle plus haut que les sages & coupe la parole aux anciens : il n’autorisera point, pour sa part, la réponse d’un vieux gentilhomme à Louis XV, qui lui demandait lequel il préféroit de son siècle ou de celui-ci : Sire, j’ai passé ni à respecter les vieillards, & il faut que je passe ma vieillesse à respecter les enfans.

Ayant une âme tendre & sensible, mais n’appréciant rien-sur le taux de l’opinion, quoiqu’il aime à plaire aux autres, il se souciera peu d’en être considéré. D’où il suit qu’il sera plus affectueux que poli, qu’il n’aura jamais d’airs ni de faste, et qu’il sera plus touché d’une caresse que de mille éloges. Par les mêmes raisons il ne négligera ni ses manières ni son maintien ; il pourra même avoir quelque recherche dans sa parure, non pour paraître un homme de goût, mais pour rendre sa figure agréable ; il n’aura point recours au cadre doré, & jamais l’enseigne richesse ne souillera son ajustement.

On voit que tout cela n’exige point de ma part un étalage de préceptes, & n’est qu’un effet de sa première éducation. On nous fait un grand mystère de l’usage du monde ; comme si dans l’âge où l’on prend cet usage, on ne le prenoit pas naturellement, & comme si ce n’étoit pas dans un cœur honnête qu’il faut chercher ses premières lois ! La véritable politesse consiste à marquer de la bienveillance aux hommes ;