Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/178

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peuvent guère être faites que par des gens très répandus, attendu qu elles frappent après toutes les autres, & que les gens peu accoutumés aux sociétés nombreuses y épuisent leur attention sur les grands traits. Il n’y a pas peut-être à présent un lieu sur la terre ou le goût général soit plus mauvais qu’à Paris. Cependant c’est dans cette capitale que le bon goût se cultive ; & il paraît peu de livres estimés dans l’Europe dont l’auteur n’ait été se former à Paris. Ceux qui pensent qu il suffit de lire les livres qui s’y font se trompent : on apprend beaucoup plus dans la conversation des auteurs que dans leurs livres ; & les auteurs eux-mêmes ne sont pas ceux avec qui l’on apprend le plus. C’est l’esprit des sociétés lu, développe une tête pensante, & qui, porte la vue aussi loi, qu’elle peut aller. Si vous avez une étincelle de génie, allez passer une année à Paris : bientôt vous serez tout ce que vous pouvez être, ou vous ne serez jamais rien..

On peut apprendre à penser dans les lieux où le mauvais goût règne ; mais il ne faut pas penser comme ceux qui ont ce mauvais goût, & il est bien difficile que cela n’arrive quand on reste avec eux trop longtemps. Il faut perfectionner par leurs soins l’instrument qui juge, en évitant de l’employer comme eux. je me garderai de polir le jugement d’Émile jusqu’à l’altérer ; &, quand il aura le tact assez fin pour sentir & comparer les divers goûts des hommes, c’est sur des objets plus simples que je le ramènerai fixer le sien.

Je m’y prendrai de plus encore pour lui conserver un goût pur & sain. Dans le tumulte de la dissipation je saurai ménager avec lui des entretiens utiles ; &, les dirigeant