Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/211

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qu’à l’homme de les satisfaire, fait dépendre celui-ci, malgré qu’il en ait, du bon plaisir de l’autre, & le contraint de chercher à son tour à lui plaire pour obtenir qu’elle consente à le laisser être le plus fort. Alors ce qu’il y a de plus doux pour l’homme dans sa victoire est de douter si est la faiblesse qui cède à la force, ou si c’est la volonté qui se rend ; & la ruse ordinaire de la femme est de laisser toujours ce doute entre elle & lui. L’esprit des femmes répond en ceci parfaite nient à leur constitution : loin de rougir de leur faiblesse, elles en font gloire : leurs tendres muscles sont sans résistance : elles affectent de ne pouvoir soulever les plus légers fardeaux ; elles auroient honte d’être fortes. Pourquoi cela ? Ce n’est pas seulement pour paraître délicates, c’est par une précaution plus adroite ; elles se ménagent de loin des excuses & le droit d’être faibles au besoin.

Le progrès des lumières acquises par nos vices a beaucoup changé sur ce point les anciennes opinions parmi nous, & l’on ne parle plus guère de violences depuis qu’elles sont si peu nécessaires & que les hommes n’y croient plus ;*

[* Il peut y avoir une telle disproportion d’âge & de force qu’une violence réelle ait lieu : mais traitant ici de l’état relatif des sexes selon l’ordre de la nature je les prends tous deux dans le rapport commun qui constitue cet état.] au lieu qu’elles sont très communes dans les hautes antiquités grecques & Juives, parce que ces mêmes opinions sont dans la simplicité de la nature, & que la seule expérience du libertinage a pu les déraciner. Si l’on cite de nos jours moins d’actes de violence, ce n’est sûrement pas que