Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/215

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aussi bien fondées ? Les femmes, dites-vous, ne font pas toujours des enfants ! Non, mais leur destination propre est d’en faire. Quoi ! parce qu’il y a dans l’univers une centaine de grandes villes où les femmes, vivant dans la licence, font peu d’enfants, vous prétendez que l’état des femmes est d’en faire peu ! En que deviendroient vos villes, si les campagnes éloignées, ou les femmes vivent plus simplement & plus chastement, ne réparoient la stérilité des dames ? Dans combien de provinces les femmes qui n’ont fait que quatre ou cinq enfants passent pour peu fécondes !*

[* Sans cela l’espèce dépérirait nécessairement : pour qu’elle se conserve, il faut, tout compensé, que chaque femme fasse à peu près quatre enfants : car des enfants qui naissent il en meurt près de la moitié avant qu’ils puissent en avoir d’autres, & il en faut deux restants Pour représenter le père & la mère. Voyez si les villes vous fourniront cette population-là.] Enfin, que telle ou telle femme fasse peu d’enfants, qu’importe ? L’état dé la femme est-il moins d’être mère ? & n’est-ce pas par des lois générales que la nature & les mœurs doivent pourvoir à cet état ?

Quand il y auroit entre les grossesses d’aussi longs intervalles qu’on le suppose, une femme changera-t-elle ainsi brusquement & alternativement de manière de vivre sans péril & sans risque ? Sera-t-elle aujourd’hui nourrice & demain guerrière ? Changera-t-elle de tempérament & de goûts comme un caméléon de couleurs ? Passera-t-elle tout à coup de l’ombre de la clôture & des soins domestiques aux injures de l’air, aux travaux, aux fatigues, aux périls