Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

science ; & toutes sont un peu trop curieuses pour ne pas l’apprendre a chiffrer avant tout ; car rien n’offre une utilité plus sensible en tout temps, ne demande un plus long usage, et ne laisse tant de prise a l’erreur que les comptes. Si la petite n’avoit les cerises de son goûter que par une opération d’arithmétique, je vous réponds qu’elle saurait bientôt calculer.

Je connois une jeune personne qui apprit a écrire plus tôt qu’a lire, & qui commença d’écrire avec l’aiguille avant que d’écrire avec la plume. De toute l’écriture elle ne voulut d’abord faire que des O. Elle faisoit incessamment des Ô grands & petits, des Ô de toutes les tailles, des Ô les uns dans les autres, et toujours traces a rebours. Malheureusement un jour qu’elle étoit occupée a cet utile exercice, elle se vit dans un miroir ; &, trouvant que cette attitude contrainte lui donnoit mauvaise grâce, comme une autre Minerve, elle jeta la plume, & ne voulut plus faire des O. Son frère n’aimoit pas plus à écrire qu’elle ; mais ce qui le fâchoit étoit la gêne, & non pas l’air qu’elle lui donnait. On prit un autre tour pour la ramener, à l’écriture ; la petit fille étoit délicate & vaine, elle n’entendoit point que son linge servit à ses sœurs ; on le marquait, on ne voulut plus le marquait, on ne voulut plus le marquer ; il fallut le marquer elle-même : on conçoit le reste du progrès.

Justifiez toujours les soins que vous imposez aux jeunes filles, mais imposez-leur-en toujours. L’oisiveté &