Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/231

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Mais, si celle qui la gouverne lui est insupportable, elle prendra dans le même dégoût tout ce qu’elle fera sous ses yeux. Il est très difficile que celles qui ne se plaisent pas avec leurs mères plus qu’avec personne au monde puissent : un jour tourner à bien ; mais, pour juger de leurs vrais sentiments, il faut les étudier, & non pas se fier à ce qu’elles disent, car elles sont flatteuses, dissimulées, & savent de bonne heure se déguiser. On ne doit pas non plus leur prescrire d’aimer leur mère ; l’affection ne vient point par devoir, & ce n’est pas ici que sert la contrainte. L’attachement, les soins, la seule habitude, feront aimer la mère de la fille, si elle ne fait rien pour s’attirer sa haine. La gêne même où elle la tient, bien dirigée, loin d’affaiblir cet attachement, ne fera que l’augmenter, parce que la dépendance étant un état naturel aux femmes, les filles se sentent faites pour obéir.

Par la même raison qu’elles ont ou doivent avoir peu de liberté, elles portent à l’excès celle qu’on leur laisse ; extrêmes en tout, elles se livrent à leurs jeux avec plus d’emportement encore que les garçons : c’est le second des inconvénients dont je viens de parler. Cet emportement doit être modéré ; car il est la cause de plusieurs vices particuliers aux femmes, comme, entre autres, le caprice de l’engouement, par lequel une femme se transporte aujourd’hui pour tel objet qu’elle ne regardera pas demain. L’inconstance des goûts leur est aussi funeste que leur excès, & l’un & l’autre leur vient de la même source. Ne leur ôtez pas la gaieté, les ris, le bruit, les folâtres jeux ; mais empêchez qu’elles ne se rassasient de l’un pour courir à