Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/238

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longueur du temps, & il vaut mieux s’amuser de soi que de s’ennuyer le tout. Sans la toilette, que feroit-on de la vie depuis midi jusqu’à neuf heures ? En rassemblant des femmes autour de soi, on s’amuse à les impatienter, c’est déjà quelque chose ; on évite les tête-à-tête avec un mari qu’on ne voit qu’à cette heure-là, c’est beaucoup plus ; & puis viennent les marchandes, les brocanteurs, les petits messieurs, les petits auteurs, les vers, les chansons, les brochures : sans la toilette on ne réuniroit jamais si bien tout cela. Le seul profit réel qui tienne à la chose est le prétexte de s’étaler un peu plus que quand on est vêtue ; mais ce profit n’est peut-être pas si grand qu’on pense, & les femmes à toilette n’y gagnent pas tant qu’elles diroient bien. Donnez sans scrupule une éducation de femme aux femmes, faites qu’elles aiment les soins de leur sexe, qu’elles aient de la modestie, qu’elles sachent veiller à leur ménage & s’occuper dans leur maison ; la grande toilette tombera d’elle-même, et elles n’en seront mises que de meilleur goût.

La première chose que remarquent en grandissant les jeunes personnes, c’est que tous ces agréments étrangers ne leur suffisent pas, si elles n’en ont qui soient à elles. On ne peut jamais se donner la beauté, & l’on n’est pas si tôt en état acquérir la coquetterie ; mais on peut déjà chercher un tour agréable à ses gestes, un accent flatteur la voix à composer son maintien, à marcher avec légèreté, à prendre des attitudes gracieuses, & à choisir partout ses avantages. La voix s’étend, s’affermit, & prend du timbre ; les bras se développent, la démarche s’assure, & l’on