Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/279

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résulte reste la même, les préjugés sous le vain nom de raison n’en changent que l’apparence. Il sera toujours grand & beau de régner sur soi, fut-ce pour obéir à des opinions fantastiques ; & les vrais motifs d’honneur parleront toujours au cœur de toute femme de jugement qui saura chercher dans son état le bonheur de la vie. La chasteté doit être surtout une vertu délicieuse pour une belle femme qui a quelque élévation dans l’âme. Tandis qu’elle voit toute la terre à ses pieds, elle triomphe de tout & d’elle-même : elle s’élève dans son propre cœur un trône auquel tout vient rendre hommage ; les sentiments, tendres ou jaloux, mais toujours respectueux des deux sexes, l’estime universelle & la sienne propre, lui payent sans cesse en tribut de gloire les combats de quelques instants. Les privations sont passagères, mais le prix en est permanent. Quelle jouissance pour une âme noble, que l’orgueil de la vertu jointe à la beauté ! Réalisez une héroÏne de roman, elle goûtera des voluptés plus exquises que les Lais & les Cléopâtre ; & quand beauté ne sera plus, sa gloire et ses plaisirs resteront encore ; elle seule saura jouir du passé.

Plus les devoirs sont grands & pénibles, plus les raisons fonde doivent être sensibles & fortes. Il y a un certain langage dévot dont, sur les sujets les plus graves, on rebat les oreilles des jeunes personnes sans produire la persuasion. De ce langage trop disproportionné à leurs idées, & du peu de cas qu’elles en font en secret, naît la facilité de céder à leurs penchants, faute de raisons d’y résister tirées des choses mêmes. Une fille élevée