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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/28

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tre aucun par préférence ; mais quelle différence entre les preuves directes ! Celui-là seul qui explique tout ne doit-il pas être préféré, quand il n’a pas plus de difficulté que les autres ?

Portant donc en moi l’amour de la vérité pour toute philosophie, & pour toute méthode une regle facile & simple, qui me dispense de la vaine subtilité des argumens, je reprens, sur cette regle, l’examen des connoissances qui m’intéressent, résolu d’admettre pour évidentes toutes celles auxquelles, dans la sincérité de mon cœur, je ne pourrai refuser mon consentement ; pour vraies toutes celles qui me paroîtront avoir une liaison nécessaire avec ces premieres, & de laisser toutes les autres dans l’incertitude, sans les rejetter ni les admettre, & sans me tourmenter à les éclaircir, quand elles ne menent à rien d’utile pour la pratique.

Mais qui suis-je ? Quel droit ai-je de juger des choses, & qu’est-ce qui détermine mes jugemens ? S’ils sont entraînés, forcés par les impressions que je reçois, je me fatigue en vain à ces recherches, elles ne se feront point, ou se feront d’elles-mêmes, sans que je me mêle de les diriger. Il faut donc tourner d’abord mes regards sur moi pour connoître l’instrument dont je veux me servir, & jusqu’à quel point je puis me fier à son usage.

J’existe, & j’ai des sens par lesquels je suis affecté. Voilà la premiere vérité qui me frappe, & à laquelle je suis forcé d’acquiescer. Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes sensations ? Voilà mon premier doute, qu’il m’est, quant à présent, impossible de résoudre. Car