Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/285

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faire, et qu’elle ne fasse avec plaisir ; mais le travail qu’elle préfère à tout autre est la dentelle, parce qu’il n’y en a pas un qui donne une attitude plus agréable, & où les doigts s’exercent avec plus de grâce & de légèreté. Elle s’est appliquée aussi à tous les détails du ménage. Elle entend la cuisine & l’office ; elle sait le prix des denrées ; elle en connaît les qualités ; elle sait fort bien tenir les comptes ; elle sert de maître d’hôtel à sa mère. Faite pour être un jour mère de famille elle-même, en gouvernant la maison paternelle, elle apprend à gouverner la sienne ; elle peut suppléer aux fonctions des domestiques, & le fait toujours volontiers. On ne sait jamais bien commander que ce qu’on sait exécuter soi-même : c’est la raison de sa mère pour l’occuper ainsi. Pour Sophie elle ne va pas si loin ; son premier devoir est celui de fille, & c’est maintenant le seul qu’elle songe à remplir. Son unique vue est de servir sa mère, & de la soulager d’une partie de ses soins. Il est pourtant vrai qu’elle ne les remplit pas tous avec un plaisir égal. Par exemple, quoiqu’elle soit gourmande, elle n’aime pas la cuisine ; le détail en a quelque chose qui la dégoûte ; elle n’y trouve jamais assez de propreté. Elle est là-dessus d’une délicatesse extrême, et cette délicatesse poussée à l’excès est devenue un de ses défauts : elle laisseroit plutôt aller tout le dîner par le feu, que de tacher sa manchette. Elle n’a jamais voulu de l’inspection du jardin par la même raison. La terre lui paraît malpropre ; sitôt qu’elle voit du fumier, elle croit en sentir l’odeur.

Elle doit ce défaut aux leçons de sa mère. Selon elle,