Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/329

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Attendez, jeune homme, examinez, observez. Vous ne savez pas même encore chez qui vous êtes ; &, à vous entendre, on vous croirait déjà dans votre maison.

Ce n’est pas le temps des leçons, & celles-ci ne sont pas faites pour être écoutées. Elles ne font que donner au jeune homme un nouvel intérêt pour Sophie par le désir de justifier son penchant. Ce rapport des noms, cette rencontre qu’il croit fortuite, ma réserve même, ne font qu’irriter sa vivacité : déjà Sophie lui paraît trop estimable pour qu’il ne soit pas sûr de me la faire aimer.

Le matin, je me doute bien que, dans son mauvais habit de voyage, Emile tâchera de se mettre avec plus de soin. Il n’y manque pas ; mais je ris de son empressement a s accommoder du linge de la maison. Je pénètre sa pensée ; je lis avec plaisir qu’il cherche, en se préparant des restitutions, des échanges, à s’établir une espèce de correspondance qui le mette en droit d’y renvoyer & d’y revenir.

Je m’étois attendu de trouver Sophie un peu plus ajustée aussi de son côté : je me suis trompé. Cette vulgaire coquetterie est bonne pour ceux à qui l’on ne veut que plaire. Celle du véritable amour est plus raffinée ; elle a bien d’autres prétentions. Sophie est mise encore plus simplement que la veille, & même plus négligemment, quoique avec une propreté toujours scrupuleuse. Je ne vois de la coquetterie dans cette négligence que parce que j’y vois de l’affectation. Sophie sait bien qu’une parure plus recherchée est une déclaration ; mais elle ne sait pas qu’une parure plus négligée en est une autre ; elle montre qu’on ne se contente pas de plaire par