Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/40

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les parties entre elles, d’étudier leur concours, leurs rapports, d’en remarquer le concert. J’ignore pourquoi l’univers existe ; mais je ne laisse pas de voir comment il est modifié : je ne laisse pas d’apercevoir l’intime correspondance par laquelle les êtres qui le composent se prêtent un secours mutuel. Je suis comme un homme qui verroit pour la première fois une montre ouverte, & qui ne laisseroit pas d’en admirer l’ouvrage, quoiqu’il ne connût pas l’usage de la machine & qu’il n’eût point vu le cadran. Je ne sais, dirait-il, à quoi le tout est bon ; mais je vois que chaque pièce est faite pour les autres ; j’admire l’ouvrier dans le détail de son ouvrage, & je suis bien sûr que tous ces rouages ne marchent ainsi de concert que pour une fin commune qu’il m’est impossible d’apercevoir.

Comparons les fins particulières, les moyens, les rapports ordonnés de toute espèce, puis écoutons le sentiment intérieur ; quel esprit sain peut se refuser à son témoignage ? À quels yeux non prévenus l’ordre sensible de l’univers n’annonce-t-il pas une suprême intelligence ? & que de sophismes ne faut-il point entasser pour méconnaître l’harmonie des êtres & l’admirable concours de chaque pièce pour la conservation des autres ? Qu’on me parle tant qu’on voudra de combinaisons & de chances ; que vous sert de me réduire au silence, si vous ne pouvez m’amener à la persuasion ? & comment m’ôterez-vous le sentiment involontaire qui vous dément toujours malgré moi ? Si les corps organisés se, sont combinés fortuitement de raille manières avant de prendre des formes constantes, s’il s’est formé d’abord des estomacs sans bouches,