Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/455

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de la modestie, et non du caprice ; qu’il vous voie réservée, & non pas fantasque ; gardez qu’en ménageant son amour vous ne le fassiez douter du vôtre. Faites-vous chérir par vos faveurs & respecter par vos refus ; qu’il honore la chasteté de sa femme sans avoir à se plaindre de sa froideur."

"C’est ainsi, mon enfant, qu’il vous donnera sa confiance, qu’il écoutera vos avis, qu’il vous consultera dans ses affaires, & ne résoudra rien sans en délibérer avec vous. C’est ainsi que vous pouvez le rappeler à la sagesse quand il s’égare, le ramener par une douce persuasion, vous rendre aimable pour vous rendre utile, employer la coquetterie aux intérêts de la vertu, & l’amour au profit de la raison."

"Ne croyez pas avec tout cela que cet art même puisse vous servir toujours. Quelque précaution qu’on puisse prendre, la jouissance use les plaisirs, & l’amour avant tous les autres. Mais, quand l’amour a duré longtemps, une douce habitude en remplit levi de, & l’attroit de la confiance succède aux transports de la passion. Les enfans forment entre ceux qui leur ont donné l’être une liaison non moins douce & souvent plus forte que l’amour même. Quand vous cesserez d’être la maîtresse d’Emile, vous serez sa femme & son amie ; vous serez la mère de ses enfants. Alors, au lieu de votre première réserve, établissez entre vous la plus grande intimité ; plus de lit à part, plus de refus, plus de caprice. Devenez tellement sa moitié, qu’il ne puisse plus se passer de vous, & que, sitôt qu’il vous quitte, il se sente loin de lui-même. Vous qui fîtes si bien