Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/468

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avec nous : & vous nous quittâtes ! Sans votre retraite je serois heureux encore ; mon fils vivroit peut-être, ou d’autres mains n’auroient point fermé ses yeux.. Sa mere, vertueuse & chérie, vivroit elle-même dans les bras de son époux. Retraite funeste, qui m’livre sans retour aux horreurs de mon fort ! non, jamais sous vos yeux le crime & ses peines n’eussent approché de ma famille ; en. l’abandonnant vous m’avez fait plus de maux que vous ne m’aviez fait de biens en toute ma vie.

Bientôt le Ciel cessa de bénir une maison que vous n’habitiez plus. Les maux, les afflictions se succédoient sans relâche. En peu de mais nous perdîmes le pere, la mere de Sophie, & enfin sa fille, sa charmante fille qu’elle avoit tant desirée, qu’elle idolâtroit, qu’elle vouloit suivre. à ce. dernier coup sa constance ébranlée acheva de l’abandonner. Jusqu’a ce tems, contente & paisible dans sa solitude, elle avoit ignoré les amertumes de la vie, elle n’avoit point armé contre. les coups du sort cette ame sensible & facile à s’affecter. Elle sentit ces pertes comme on sent ses premiers malheurs : aussi ne furent-elles que les commencemens des : nôtres. Rien ne pouvoir tarir ses pleurs ; la mort de sa fille lui fit sentir plus vivement celle de sa mere : elle appelloit sans cesse l’une ou l’autre en gémissant ; elle faisoit retentir de leurs : noms & de ses regrets. tous les lieux où jadis elle avoit reçu leurs innocentes caresses : tous les objets qui les lui rappelloient aigrissoient ses douleurs ; je résolus de l’éloigner des affaires & qui n’en avoient jamais été pour moi