Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/502

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pour retrouver ainsi mes traces ! Tout cela est-il de crie quelqu’un qui n’aime plus ? Quel voyage ! quel motif l’avoir pu faire entreprendre ! dans quelle occupation elle m’avoit surpris ! Ah ! ce n’etoit pas la premiere fois : mais alors elle n’étoit pas à genoux, elle ne fondoit pas en larmes. Ô tems, tems heureux ! Qu’est devenu cet ange du Ciel ?.....Mais que vient donc faire ici cette femme..... elle amené son fils....mon fils.... & pourquoi ?....Vouloit-elle me voir, me parler ? Pourquoi s’enfuir ?.... me braver ?.... Pourquoi ces larmes ? Que nie veut-elle, la perfide ? vient-elle insulter à ma misère ? A-t-elle oublié qu’elle ne m’est plus rien ? Je cherchois en quelque sorte à m’irriter de ce voyage pour vaincre l’attendrissement qu’il me causoit, pour résister aux tentations de courir après l’infortunée qui m’agitoient malgré moi. Je demeurai néanmoins. Je vis que cette démarche ne prouvoit autre chose sinon que j’étois encore aimé, & cette supposition même étant entrée dans ma délibération ne devoit rien changer au parti qu’elle m’avoir sait prendre.

Alors examinant plus posément toutes les circonstances de ce voyage, pesant sur-tout les derniers mots qu’elle avoir prononcés en partant, j’y crus démêler le motif qui l’avoit amenée & celui qui l’avoir fait repartir tout-d’un-coup sans s’être laissé voir. Sophie parloit simplement ; mais tout ce qu’elle disoit portoit dans mon cœur des traits de lumiere, & c’en fut un que ce peu de mots. II ne t’ôtera pas ta mer, avoit-elle dit. C’étoit donc la crainte qu’on ne la lui ôtât qui l’avoit amenée, & c’étoit la persuasion que cela n’arriveroit pas qui. l’avoit fait repartir ; & d’ou la tiroit-elle, cette