Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/311

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pour Galba & ſon amitié pour Vinius mêlant à ſa cruauté quelque image de tristeſſe, il ſe crût plus permis de prendre plaiſir à la mort d’un concurrent & d’un ennemi. Les têtes furent miſes chacune au bout d’une pique & portées parmi les Enſeignes des cohortes & autour de l’Aigle de la Légion. C’étoit à qui feroit parade de ſes mains ſanglantes ; à qui, fauſſement ou nom, ſe vanteroit d’avoir commis ou vu ces aſſaſſinats, comme d’exploits glorieux & mémorables. Vitellius trouva dans la ſuite plus de cent vingt placets de gens qui demandoient récompenſe pour quelque fait notable de ce jour-là. Il les fit tous chercher & mettre à mort, non pour honorer Galba, mais ſelon la maxime des Princes de pourvoir à leur ſureté preſente par la crainte des châtimens futurs.

Vous euſſiez cru voir un autre Sénat & un autre Peuple. Tout accouroit au Camp ; chacun s’empreſſoit à devancer les autres, à maudire Galba, à vanter le bon choix des troupes, à baiſer les mains d’Othon ; moins le zele étoit sincere, plus on affectoit d’en montrer. Othon, de ſon côté, ne rebutoit personne, mais des yeux & de la voix tâchoit d’adoucir l’avide férocité des soldats. Ils ne ceſſoient de demander le ſupplice de Celſus Conſul déſigné, & jusqu’à l’extrémité fidele ami de Galba. Son innocence & ſes ſervices étoient des crimes qui les irritoient. On voyoit qu’ils ne cherchoient qu’à faire périr tout homme de bien & commencer les meurtres & le pillage. Mais Othon qui pouvoit commander des aſſaſſinats, n’avoir pas encore aſſez d’autorité pour les défendre. Il fit donc lier Celſus, affectant une grande colere, & le ſauva d’une mort préſente en feignant de le réſerver à des tourmens plus cruels.