Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/480

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Juſque-là M. Linnæus avoit déterminé le plus grand nombre des plantes connues, mais il ne les avoit pas nommées : car ce n’eſt pas nommer une choſe que de la définir ; une phraſe ne ſera jamais un vrai nom & n’en ſauroit avoir l’uſage. Il pourvut à ce défaut par l’invention des noms triviaux, qu’il joignit à ceux des genres pour diſtinguer les eſpeces. De cette maniere le nom de chaque plante n’eſt compoſé jamais que de deux mots, & ces deux mots ſeuls choiſis avec diſcernement & appliques avec juſteſſe, font ſouvent mieux connoître la plante que ne faiſoient les longues phraſes Micheli & de Plukenet. Pour la connoître mieux encore & plus réguliérement, on a la phrase qu’il faut ſavoir ſans doute, mais qu’on n’a plus beſoin de répéter à tout propos lorſqu’il ne faut que nommer l’objet.

Rien n’étoit plus mauſſade & plus ridicule lorſqu’une femme ou quelqu’un de ces hommes qui leur reſſemblent, vous demandoient le nom d’une herbe on d’une fleur dans un jardin, que la néceſſité de cracher en réponse une longue enfilade de mots latins qui reſſembloient à des évocations magiques ; inconvénient ſuffiſant pour rebuter ces perſonnes frivoles d’une étude charmante offerte avec un appareil auſſi pédanteſque.

Quelque néceſſaire, quelque avantageuſe que fût cette reforme, il ne faloit pas moins que le profond ſavoir de