Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/56

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qu’il y fait ; ainsi un Sybarite auroit bien valu trente Lacédémoniens. Qu’on devine donc laquelle de ces deux Républiques, de Sparte ou de Sybaris, fut subjuguée par une poignée de paysans, & laquelle fit trembler l’Asie.

La Monarchie de Cyrus a été conquise avec trente mille hommes par un Prince plus pauvre que le moindre des Satrapes de Perse ; & les Scythes, le plus misérable de tous les Peuples, ont résisté aux plus puissans Monarques de l’Univers. Deux fameuses Républiques se disputèrent l’Empire du Monde ; l’une étoit très riche, l’autre n’avoit rien, & ce fut celle-ci qui détruisit l’autre. L’Empire Romain, à son tour, après avoir englouti toutes les richesses de l’Univers, fut la proie des gens qui ne savoient pas même ce que c’étoit que richesse. Les Francs conquirent les Gaules, les Saxons l’Angleterre, sans autres trésors que leur bravoure & leur pauvreté. Une troupe de pauvres Montagnards dont toute l’avidité se bornoit à quelques peaux de moutons, après avoir dompté la fierté Autrichienne, écrasa cette opulente Maison de Bourgogne qui faisoit trembler les potentats de l’Europe. Enfin toute la puissance & toute la sagesse de l’héritier de Charles-Quint, soutenues de tous les trésors des Indes, vinrent se briser contre une poignée de pêcheurs de harengs. Que nos politiques daignent suspendre leurs calculs pour réfléchir à ces exemples, & qu’ils apprennent une fois qu’on a de tout avec de l’argent, hormis des mœurs & des Citoyens.

De quoi s’agit-il donc précisément dans cette question du luxe ? De savoir lequel importe le plus aux Empires d’être, brillans & momentanés, ou vertueux et durables. Je dis brillants,