Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/511

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lequel on exécuta dans un même concert un monologue François qui commence par ce vers :

Temple sacre, séjour tranquille

Et un air de Galuppi qui commence par celui-ci

Voi che languite senza speranza

l’un & l’autre surent chantes médiocrement pour le François, & mal pour l’Italien, par un homme accoutume seulement à la Musique Françoise, & alors très-enthousiaste de celle de M. Rameau. Je remarquai dans l’Arménien, durant tout le chant François, plus de surprise que de plaisir ; mais tout le monde observa des les premieres mesures de l’air Italien, que son visage & ses yeux s’adoucissoient ; il etoit enchante, il prétoit son ame aux impressions de la Musique, & quoiqu’il entendit peu la langue, les simples sons lui causoient un ravissement sensible. Des ce moment on ne put plus lui faire écouter aucun air François.

Mais sans chercher ailleurs des exemples, n’avons-nous pas même parmi nous plusieurs personnes qui ne connoissant que notre Opéra, croyoient de bonne soi n’avoir aucun goût pour le chant, & n’ont été désabuses que par les intermèdes Italiens. C’est précieusement parce qu’ils n’aimoient que la véritable Musique, qu’ils croyoient ne pas aimer la Musique.

J’avoue que tant de faits m’ont rendu douteuse l’existence de notre mélodie, & m’ont fait soupçonner qu’elle pourroit bien n’être qu’une sorte de plain-chant module, qui n’a rien d’agréable en lui-même, qui ne plaît qu’à l’aide de quelques