Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/514

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tous les mouvemens propres à exprimer tous les caracteres*

[*Je me contenterai d’en citer un seul exemple, mais très-frappant ; c’est l’air Se pur d’un infelice, &c. de la Fausse Suivante ; air très-pathétique sur un mouvement très-gai, auquel il n’a manque qu’une voix pour le chanter, un Orchestre pour l’accompagner, des oreilles pour l’entendre, & la seconde partie qu’il ne faloit pas supprimer.] ou un seul mouvement propre a contraster & changer de caractere au gré du Compositeur.

Voilà, ce me semble, les sources d’ou le chant Italien tire les charmes & son énergie ; a quoi l’on peut ajouter une nouvelle & très-forte preuve de l’avantage de sa mélodie, en ce qu’elle n’exige pas autant que la notre de ces frequens renversemens d’harmonie, qui donnent à la Basse-continue le véritable chant d’un dessus. Ceux qui trouvent de si grandes beautés dans la mélodie Françoise, devroient bien nous dire à laquelle de ces choses elle en est redevable, ou nous montrer les avantages qu’elle a pour y suppléer.

Quand on commence a connoître la mélodie Italienne, on ne lui trouve d’abord que des graces, & on ne la croit propre qu’à exprimer des sentimens agréables ; mais pour peu qu’on étudie son caractere pathétique & tragique, on est bientôt surpris de la force que lui prête l’art des Compositeurs dans les grands morceaux de Musique. C’est a l’aide de ces modulations savantes, de cette harmonie simple & pure, de ces accompagnemens vifs & brillans, que ces chants divins déchirent ou ravissent l’ame, mettent le Spectateur hors de lui-même, & lui arrachent, dans ses transports,