Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/520

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de la fatigue d’un tel ouvrage. Tout cela n’aboutissant qu’à faire du bruit, ainsi que la plupart de nos chœurs si admires,*

[*Les Italiens ne sont pas eux-mêmes tout-à-fait revenus de ce préjuge barbare. Ils se piquent encore d’avoir, dans leurs Eglises, de la Musique bruyante ; ils ont souvent des Messes & des Motets à quatre Chœurs chacun sur un dessein différent ; mais les grands Maîtres ne sont que rire de tout ce fatras. Je me souviens que Terradeglias me parlant de plusieurs Motets de sa composition, ou il avoit mis des Chœurs travailles avec un grand soin, etoit honteux d’en avoir fait de si beaux, & s’en excusoit sur sa jeunesse ; autrefois, disoit-il, j’ai mois à faire du bruit ; à présent je tache de faire de la Musique] est également indigne d’occuper la plume d’un homme de génie, & l’attention d’un homme de goût. À l’égard des contre-fugues, doubles fugues, fugues renversées, basses contraintes, & autres sottises difficiles que l’oreille ne peut souffrir, & que la raison ne peut justifier, ce sont évidemment des restes de barbarie & de mauvais goût, qui ne subsistent, comme les portails de nos Eglises gothiques, que pour la honte de ceux qui ont eu la patience de les faire.

Il a été un tems ou l’Italie etoit barbare, & même après la renaissance des autres Arts que l’Europe lui doit tous, la Musique plus tardive n’y a point pris aisément cette pureté de goût qu’on y voit briller aujourd’hui, & l’on ne peut gueres donner une plus mauvaise idée de ce qu’elle etoit alors, qu’en remarquant qu’il n’y a eu pendant long-tems qu’une même Musique en France & en Italie,*

[*L’Abbé du Bos se tourmente beaucoup pour faire honneur au Pays-Bas du renouvellement de la Musique a cela pourroit s’admettre, si l’on donnoit le nom de Musique à un continuel remplissage d’accords ; mais si l’harmonie n’est que la base commune & que la mélodie seule constitue le caractere, non-seulement la Musique moderne est née en Italie, mais il y a quelque apparence que, dans toutes nos Langues vivantes, la Musique Italienne est la seule qui qui puisse réellement exister. Du tems d’Orlande & d’Goudimel, on faisoit de l’harmonie & des sons ; Lully y a joint un peu de cadence ; Correlli, Buononcini, Vinci & Pergolese, sont les premiers qui aient fait de la Musique.] & que les Musiciens