Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/538

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peut avoir à la sois toute la vivacité de la déclamation & toute l’énergie de l’harmonie ; qu’il peut marcher aussi rapidement que la parole, & être aussi mélodieux qu’un véritable chant ; qu’il peut marquer toutes les inflexions dont les passions les plus véhémentes animent le discours, sans forcer la voix du chanteur, ni étourdir les oreilles de ceux qui écoutent. Je pourrois vous montrer comment, à l’aide d’une marche fondamentale particuliere, on peut multiplier les modulations du récitatif d’une maniere qui lui soit propre, & qui contribue à le distinguer des airs, ou, pour conserver les de la graces mélodie, il faut changer de ton moins fréquemment ; comment sur-tout, quand on veut donner à la passion le tems de déployer tous ses mouvemens, on peut, à l’aide d’une symphonie habilement ménagée, faire exprimer à l’Orchestre, par des chants pathétiques & varies, ce que l’Acteur ne doit que réciter : chef-d’œuvre de l’art du Musicien, par lequel il sait, dans un récitatif oblige,*

[*J’avois espere que le sieur Caffarelli nous donneroit, au Concert Spirituel, quelque morceau grand récitatif & de chant pathétique, pour faire entendre une fois aux prétendus Connoisseurs ce qu’ils jugent depuis si long-tems ; mais sur ses raisons pour n’en rien faire, j’ai trouve qu’il connnoissoit encore mieux que moi la portée de ses Auditeurs.] joindre la mélodie la plus touchante à toute la véhémence de la déclamation, sans jamais confondre l’une avec l’autre : je pourrois vous déployer les beautés sans nombre de cet admirable récitatif, dont un fait en France tant de contes aussi absurdes que les qu’on s’y mêle d’en porter ; comme si quelqu’un pouvoit prononcer sur un récitatif, sans connoître à fond la langue à laquelle il est propre. Mais pour entrer dans ces détails, il