Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t8.djvu/613

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traite dans la vocale. J’ai dit & je le crois, que les Tragédies Grecques etoient de vrais Opéra. La langue Grecque, vraiment harmonieuse & musicale, avoit par elle-même un accent mélodieux, il ne faloit qu’y joindre le rhythme, pour rendre la déclamation Musicale ; ainsi, non-seulement les Tragédies mais toutes les Poésies etoient nécessairement chantées ; les Poetes disoient avec raison, je chante, au commencement de leurs Poèmes ; formule que les nôtres ont très-ridiculement conservées : mais nos langues modernes, production des Peuples Barbares, n’étant point naturellement musicales, pas même l’Italienne, il faut, quand on veut leur appliquer la Musique, prendre de grandes précautions pour rendre cette union supportable, & pour la rendre allez naturelle dans la Musique imitative, pour faire illusion au théâtre ; mais de quelque façon qu’on s’y prenne, on ne parviendra jamais a persuader a l’Auditeur, que le chant qu’il entend n’est que de la parole ; & si l’on y pouvoit parvenir, ce ne seroit jamais qu’en fortifiant une des grandes puissances de la Musique, qui est le rhythme musical, bien différent pour nous du rhythme poétique, & qui ne peut même s’associer avec lui que très-rarement & très-imparfaitement.

C’est un grand & beau problème a résoudre, déterminer jusqu’a quel point on peut faire chanter la langue & parler la Musique. C’est d’une bonne solution de ce problème que dépend toute la théorie de la Musique Dramatique. L’instinct seul a conduit, sur ce point, les Italiens dans la pratique, aussi bien qu’il etoit possible, & les défauts énormes de leurs Opéra, ne viennent pas d’un mauvais genre de