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INTRODUCTION 35

matière de dogmes entraîne nécessairement l'intolérance en matière civile, l'inégalité, l'injustice, les dissensions. Mais il y a des principes moraux qui constituent une sorte de religion naturelle, par exemple l'existence d'un être suprême et d'une providence, les sanctions de la vie future, la sainteté du contrat social et des lois. Ces .croyances sont pour Rousseau la condition nécessaire « des sentiments de sociabilité sans lesquels il est impossible d'être bon citoyen ni sujet fidèle (*)». L'Etat ne devra donc accepter parmi ses membres que ceux qui adhéreront à ce Credo moral et social, et il punira des peines les plus graves, même de la mort, quicon- que, après l'avoir accepté, le reniera par sa parole ou par sa conduite. L'Etat aura donc une « religion civile », parce que la raison ne gouverne efficacement les volon- tés que si les croyances et les sentiments inclinent déjà les cœurs : cette intolérance est encore, dans la pensée de Rousseau, une condition de la liberté ( 2 ).

Enfin, la partie la plus importante et la plus délicate de la politique, c'est l'organisation d'un gouvernement qui ait l'autorité nécessaire pour assurer à chacun les bienfaits de la vie sociale sans pouvoir supprimer la liberté de personne. Quelle que soit la forme du gouver- nement, démocratie, aristocratie ou monarchie, le « prince » n'a pas une autorité propre et distincte ( 3 ) ; il n'est qu'un mandataire du peuple souverain : « tout gouver- nement légitime est républicain ( 4 ) ». Il est chargé d'une double fonction, nettement définie : d'une part, assurer l'application de la loi, expression de la volonté géné- rale, de telle façon qu'elle produise tous ses effets utiles

(*) C. s., IV, vin.

( 2 ) Les mômes idées sont déjà très précisément exposées dans une lettre â Voltaire du 18 août 1756; Rousseau invitait Voltaire à rédiger l'évangile de celte religion civile.

( 3 ) C. s., III, i, xi et passim.

( 4 ) C. s., II, vi.

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