Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/57

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INTRODUCTION ^7

raisonnables et soucieux du bien public, dont dépend le bien particulier de chacun (*), pour que la liberté indivi- duelle se trouve assurée, dans H mesure où elle est légitime et nécessaire.

Ces garanties ont paru insuffisantes à la plupart des critiques de Rousseau, qui n'ont pas caché leur inquié- tude. L'infaillibilité que Rousseau attribue à ia volonté générale ne les a pas rassurés sur l'usage que pourrait faire de sa toute-puissance le peuple souverain. Le peuple, dit Rousseau, ne peut édicter que des lois générales : mais, comme on l'a justement remarqué ( 2 ), il est assez facile de donner aux mesures en réalité les plus spéciales une apparence générale; on peut viser les gens sans les appeler par leur nom, et une majorité sans scrupules pourrait, avec une entière légalité, dépouiller des droits les plus essentiels une minorité réellement esclave, qui n'en garderait pas moins, avec le droit de vote, les apparences de la liberté. D'ailleurs il n'est pas de règle, de loi, de convention qui puisse être obligatoire pour le corps politique tout entier vis-à- vis de lui-même, « pas même le contrat social » : les limites mêmes qu'avait tracées Rousseau restent donc absolument idéales, autant dire illusoires, et la majo- rité pourra toujours les abroger dès qu'elle le voudra.

Toutes ces conséquences me paraissent parfaitement logiques et tous ces dangers sont en effet à craindre. Mais, avant d'examiner si Rousseau ne les a pas prévus et dans quelle mesure nous y sommes en réalité exposés, voyons quels seraient les moyens qu'on pourrait pro- poser pour les éviter.

Peut-on affirmer le principe de la liberté politique et cependant restreindre la souveraineté du peuple tout entier ? Peut-on proclamer des droits individuels intan-

(*) C. s., II, h, m et iv.

( 2 ) Voir notamment A. Lichtenberger, le Socialisme au XVIII e siècle, ch. vi.

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