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Les Exploits d’Iberville

obligée de passer seule avec ses pensées et ses regrets de longues journées, tandis que son père était à l’ouvrage.

Le dimanche seul était un jour comparativement heureux. En compagnie de son père et de Pierre Dumas — un compatriote comme eux prisonnier des Anglais — Yvonne, après la lecture en famille des prières de l’église, allait faire de longues courses dans les campagnes environnantes. Après la veillée, on se séparait avec la promesse de se réunir de nouveau le dimanche suivant.

L’ennui gagnait cependant la jeune fille, dont les belles couleurs de santé disparaissaient, à la grande terreur de Kernouët.

— Mon père, lui dit-elle un jour, votre patron vous tient en haute estime, vous me l’avez dit souvent ?

— Pourquoi cette question ?

— Je vais m’expliquer. Au couvent, mon père, on vantait fort mon talent de brodeuse. Pourquoi ne solliciteriez-vous pas de votre patron une lettre de recommandation qui me permette de me présenter dans quelques familles opulentes de la ville, afin de me procurer de l’ouvrage ?

— Est-ce qu’il te manque quelque chose ? mon enfant. Trouves-tu que je ne subviens pas suffisamment à tes besoins ?

— Amplement, mon père. C’est un tout autre motif qui me guide en vous faisant cette prière. Je