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ô fils de sûta[1] et demande-lui : qui as-tu perdu le premier, de toi ou de moi ? Tu me rapporteras la réponse »[2].

Le messager alla trouver Yudhiṣṭhira au milieu des princes ; et lui parlant au nom de Draupadî, l’interrogea :

« De qui étais-tu encore maître, lorsque tu m’as perdue (au jeu) ? C’est Draupadî qui te le demande. Qui as-tu perdu tout d’abord ? Est-ce toi ou moi ? »[3].

Yudhiṣṭhira, frappé de stupeur et comme privé de sens, ne répondit pas un mot au messager, ni en bien, ni en mal[4].

Le messager rendit compte à la princesse de l’insuccès de sa mission. La question demeurait toujours pendante. Bhîṣma, le sage Bhiṣma, se dit incapable de la résoudre, le cas, suivant lui, était trop délicat pour qu’il osât le décider[5].

Dhṛtarâṣṭra imita la prudente réserve de Bhîṣma. C’est ce que Vikarṇa, le jeune fils du roi des Kurus, fit observer aux princes assemblés, en posant le cas de nouveau, en leur présence. Tous restèrent silencieux. Vikarṇa déclara que Yudhiṣṭhira n’avait pas le droit, après avoir mis sa liberté comme enjeu et l’avoir perdue, de risquer aux dés la liberté de Draupadî qui d’ailleurs était l’épouse commune des Pâṇḍavas et non point ta sienne exclusivement[6]. Karṇa, fils de Râdbâ, plein de fureur, répliqua à Vikarṇa qu’il était bien jeune pour trancher une question semblable. Puisque personne n’avait protesté, lorsque

  1. Le sûta était un métis, né de parents appartenant l’un à la classe des Brahmanes, l’autre à celle des ksatriyas. C’est parmi les Sûtas que se recrutaient les conducteurs de chars, les courriers, etc.
  2. LXVII, 7.
  3. Id. 10.
  4. Id. 11.
  5. Id. 47.
  6. LXVIII et seq.