Page:Roussel - Idées religieuses et sociales de l’Inde ancienne.djvu/56

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jusqu’au bout, ce destin formidable. Toutefois il n’y eut point de sa faute, mais bien de celle des Kurus.

Vidura pourtant ne ménagea point les avertissements à Dhṛtarâṣṭra. Il lui rappela, mais en vain, cette parole de Kâvya aux Âsuras pour les engager à ne point se mêler des affaires de Jambha, le père de Kayâdhû[1].

« Il faut renoncer à l’individu pour la famille, à la famille pour le village, au village pour la province, à la terre pour son propre âtman »[2].

Quel est bien le sens que le poète attribue à l’expression soulignée ci-dessus ? Nous ne saurions trop le dire ; car le mot âtman est susceptible de plusieurs interprétations. Le court apologue dont il est suivi semble indiquer qu’il s’agit du bonheur personnel, individuel, en ce monde et en l’autre. Dhṛtarâṣṭra, s’il avait compris ses véritables intérêts, n’eût pas écouté ses fils qui le voulaient contraindre à exiler les Pâṇḍavas dont la présence lui était une garantie de prospérité. Malheureusement pour lui, le vieux roi n’écouta point Vidura, son sage frère. Il était aveugle d’esprit comme il l’était de corps. Lorsqu’il eut chassé ses neveux et qu’il les eut condamnés à l’exil, Vidura lui apprit les présages terribles dont leur départ avait été accompagné. Comme ils s’éloignaient de Hastinâpura[3] des feux brillèrent dans un ciel sans nuages, la terre trembla[4] ; Râhu dévora le soleil, bien que ce ne fût point un jour de conjonction[5] ; un bolide tomba

  1. Cf. Bh. Pur. 6, XVIII, 11.
  2. LXII, 11.
  3. Fondée par Hastin et capitale du royaume des Kurus. Cf. Bhâg. Pur. 9, XXI. 20.
  4. On peut s’étonner que Dhṛtarâṣṭra ne s’en aperçût pas. Mais nous ne sommes plus à savoir combien les poètes de l’Inde ménagent peu parfois Les vraisemblances.
  5. Le lecteur a déjà rencontré plusieurs fois ce mythe.