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dessein que de prier et d’offrir des sacrifices. Leur présence eût souillé la vedi, et la mort, puni leur sacrilège audace.

Cet exemple, choisi entre cent, nous prouve que la sainteté du Brahmanisme, au moins dans ces vieilles légendes, n’est guère faite que de formalisme. Les Deux-fois-nés étaient quasi impeccables, tandis que les autres se voyaient irrémédiablement voués au péché, quelle que fût la pureté de leurs intentions. Et si le poète raconte les méfaits des Kṣatriyas, pour ne parler que d’eux, c’est d’abord, afin d’établir un contraste entre leur naturel turbulent et le caractère pacifique des Brahmanes ; puis il s’arrange presque toujours de façon à les sauver de la réprobation, prix de leurs crimes. Tel Çiçupâla dont il est si souvent question dans ce Parvan, qui se pose en adversaire irréconciliable de Kṛṣṇa, que celui-ci tue et sauve en même temps. De même Pûtanâ dont Çiçupâla rappelait à Bhîṣma le meurtre par Keçava[1]. Or, en sa qualité de Râkṣasî, Pûtanâ était un être surnaturel qu’il convenait à Bhagavat de sauver, tout en lui infligeant le châtiment dû à ses forfaits. Ce jour là, Çiçupâla, oubliant qu’autrefois, dans une existence précédente, lorsqu’il était le Râkṣasa Kumbhakarṇa, il avait été l’un des fidèles serviteurs de Viṣṇu[2], se complut à couvrir de sarcasmes Kṛṣṇa et ses amis, Bhîṣma tout spécialement, à qui il reprochait de n’avoir point d’enfant et, par dessus le marché, d’être un hypocrite. Il lui conta, en le lui appliquant, cet apologue :

« Autrefois, un vieux cygne vivait au bord de la mer. Vertueux dans ses paroles, mais non dans ses actes, il

  1. XLI, 4. Cf. Bh. P. 10, VI.
  2. Cf. Bhâg. Pur. 7, X, 37.