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« Le Sort est tout puissant, ô roi ; je suis à la discrétion de la Destinée »[1].

Il ne pouvait donc, pas plus qu’il ne voulait, refuser de jouer aux dés.

Vidura, toujours pour détourner Dhṛtarâṣṭra de vexer plus longtemps les Pâṇḍavas, lui vantait leur force extraordinaire :

« Qui donc pourrait lutter contre les fils de Pṛthâ réunis, ô Bhârata ? Pas même le chef des Maruts[2], escorté des Maruts »[3].

Or, si un Dieu se trouvait incapable de combattre avantageusement, avec sa troupe, Yudhiṣṭhira et ses frères, ces derniers n’étaient pas moins impuissants à conjurer leur Destinée.

Duryodhana, morigéné à son tour par son oncle Vidura qui me parait décidément voué au rôle de Cassandre :

Tunc etiam fatis aperit Cassandra futuris
Ora, dei jussu non unquam credita Teucris[4],

lui répondait :

« Il n’y a qu’un guide, il n’y en a pas deux ; c’est celui qui surveille l’homme dès le sein maternel ; voilà mon maître ; je le suis comme l’eau suit le courant »[5].

Ce maître, ce guide, ce tuteur qui ne perd pas un instant son pupille de vue et qui le prend, dès l’origine, pour l’accompagner jusqu’à l’extrême limite de son existence, on le devine : c’est la Destinée.

Observons cependant que Duryodhana se débarrassait un peu lestement d’un censeur, importun sans doute,

  1. LVIX, 18.
  2. Les Maruts sont les vents. Indra est leur chef.
  3. LXII, 17.
  4. Virg. Æn. II, 245-246.
  5. LXIV, 8.