Page:Roussel - La Doublure, 1897.djvu/305

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Dans un habit voyant de velours noir à col
Blanc, élégant, très grand et mou, tout en batiste,
A des cheveux châtains, longs, ondulés, d’artiste ;
Mais à sa face large et ridée au teint brun,
Et surtout à ses mains, on voit qu’il est commun.
D’une voix enrouée et sourde il dit la bonne
Aventure à la foule ; en ce moment il donne
Deux tubes de cristal baroques, tout remplis
De renflements partout, de tournants et de plis,
Dans les mains d’une femme ; il les tend par la boule
Qui les termine en bas, et la chaleur refoule
Aussitôt dans la main droite un liquide vert
Qui, chaque fois qu’il trouve un endroit plus ouvert,
Bouillonne, dans la main gauche un liquide rouge,
Qui, dans un renflement qu’il vient de trouver, bouge
En tous sens ; l’homme alors, prétendant qu’il voit clair
Le caractère dans les tubes qu’il a l’air
D’examiner avec grand soin, se met à dire
À la femme des tas de choses qui font rire
Ses deux enfants auprès d’elle, qui sont ravis ;