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tes, des constructeurs et non des démolisseurs. Soyez fidèles à l’honneur et à la probité, au lieu de rechercher les honneurs, les dignités et la fortune. »

Et vous-mêmes, Mesdames et Messieurs, que direz-vous de lui quand vous passerez auprès de son monument. Quel jugement porterez-vous sur le grand homme d’État et sur son œuvre ?

Si vous l’avez connu, peut-être direz-vous qu’il n’était pas parfait, et je dirai comme vous. Mais si l’on n’érigeait des statues qu’aux hommes parfaits les statuaires mourraient de faim. Y en a-t-il des hommes parfaits ? Il y a peut-être des femmes parfaites parce qu’elles n’ont pas été formées de la même argile que nous. Et encore, j’en doute beaucoup.

Mais des hommes parfaits, je n’en ai jamais rencontré dans la politique… ni ailleurs, pas même dans la magistrature. Or, si la perfection existait sur terre, c’est sur le Banc qu’on la trouverait.

Donc, Sir Georges É. Cartier n’était pas parfait, et il a commis des fautes comme le commun des mortels. Mais il est facile de les oublier, quand on se rappelle ses grandes actions, et les éminents services qu’il a rendus à son pays.

Pour un grand nombre d’hommes, la politique est une carrière. Pour lui, elle fut un apostolat, une mission patriotique, et pour remplir cette mission il a tout sacrifié, même la modeste fortune dont sa famille avait besoin.

Il fut un de ces élus que la Providence désigne pour gouverner un peuple, à une époque déterminée de son existence, et à qui elle donne les facultés et les vertus nécessaires pour l’accomplissement de leur mission.

Les facultés principales de Sir Georges étaient l’activité, le courage, l’énergie, la sûreté du coup d’œil, et le génie des fondateurs. Il avait le don des législateurs comme les Lycurgue et les Solon.

À ces belles facultés, il joignait, les vertus nécessaires, la foi chrétienne, l’amour de son pays, la probité, et le désintéressement.

L’âme de toute sa race vibrait en lui, et il en était le verbe. Son nom était dans toutes les bouches, dans tous les journaux, sur tous les hustings. Sur lui se concentraient toutes les admirations et toutes les attaques ; et quand aux jours mémorables de sa carrière il exposait en Chambre ses grands desseins on pouvait dire ; c’est la province de Québec qui parle. Et ses paroles, qui n’étaient pas souvent éloquentes étaient presque toujours des oracles. On se moquait de ses prophéties, mais cela ne les empêchait pas de s’accomplir.


V.


La femme étant la moitié de l’homme et généralement sa meilleure moitié, il me semble que ce discours sur Cartier ne serait pas complet si je ne parlais pas un peu de Lady Cartier.

Vous êtes trop jeunes, Mesdames, pour l’avoir connue ; mais j’ai eu l’honneur de lui donner l’hospitalité pendant des semaines et des mois, lorsque j’habitais Kamouraska, et je crois pouvoir dire que je l’ai bien connue.

Je ne voudrais pourtant pas admettre que je suis vieux, mais comme il y a de cela plus de quarante ans, il est évident que j’étais jeune alors, et que vous n’étiez probablement pas nées.

Lady Cartier était une femme supérieure. Elle avait un esprit des plus brillants, assaisonné d’un peu de malice ce qui lui donnait plus d’éclat. L’esprit était d’ailleurs héréditaire dans sa famille.

J’ai entretenu avec elle une longue correspondance qui était en même temps une polémique, et le sujet du débat était toujours le même : Les