Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/140

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chagrin qu’ils cachaient de leur mieux. Mais le sort s’était déclaré contre le Cris, et il avait tout perdu, jusqu’à ses vêtements.

Tout triomphant, le Pieds-Noirs se leva, et s’en alla boire au ruisseau.

Le Cris dit :

— Veux-tu jouer encore ?

— Je veux bien, reprit le Pieds-Noirs, mais tu n’as plus rien à mettre au jeu.

— Oui, j’ai encore quelque chose !

— Quoi donc ?

— Ma chevelure.

Le Pieds-Noirs poussa un cri de joie et le jeu recommença. La chevelure fut estimée à mille points ! Toute une fortune à dépenser encore, se disait le Cris ! Il faudra bien que la chance se déclare pour moi à la fin ! Et tout en ayant la rage au cœur, il jouait avec un sang-froid imperturbable, poussant parfois des gémissements sourds ou des grognements sinistres.

Mais la fortune resta fidèle au Pieds-Noirs, et dans un dernier coup il acheva de gagner les mille points en jeu.

Le Cris ne prononça pas une parole, et s’inclinant devant son ennemi, comme une victime devant le sacrificateur, il attendit l’exécution.

Le Pieds-Noirs, qui s’était levé, ramassa de la main gauche l’abondante chevelure de son adversaire, et pre-