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Est-il bien vrai, Messieurs, que l’Eucharistie soit un aliment de vie et d’immortalité ? C’est ce que je vais essayer de vous démontrer.

Tout ce qui touche à Dieu est nécessairement mystérieux. Toutes les vérités divines sont plongées dans le mystère, comme l’or et les pierres précieuses sont cachées dans les entrailles de la terre.

Le mineur qui creuse le sol ne voit pas le métal précieux qu’il cherche, mais il croit à sa présence cachée, et il travaille à le découvrir.

Faisons comme lui. Allumons d’abord dans nos âmes la lampe de la foi, si bien symbolisée par la lampe du sanctuaire, pendant la nuit, et fixons nos regards sur le tabernacle qui se dessine mystérieusement dans l’ombre.

Notre faible intelligence ne nous permettra pas d’y voir les rayons du soleil eucharistique, mais peut-être y verrons-nous les lueurs d’aube et les clartés d’aurore qui entourent ce grand mystère d’amour et de vie.


I


Vivre, Messieurs, vivre éternellement, c’est le cri de l’humanité, c’est le cri de la nature tout entière. Regardez-la, étudiez-la, et vous verrez quelle peine elle se donne et quel travail elle s’impose, pour vivre toujours. Mais cette lutte pour la vie serait vaine, si Dieu n’avait pas mis à la disposition des êtres vivants qu’il a créés toutes les variétés d’aliments, qui conviennent à leur nature et au genre de vie qui les distingue les uns des autres. Et rien ne démontre mieux l’immense amour du Créateur pour sa créature que cette merveilleuse distribution d’aliments dans le grand banquet de la vie universelle. Chaque convive y trouve non seulement la nourriture nécessaire à sa vie, mais aussi celle qui convient à son développement et à sa fin.

Et si nous avions le temps d’étudier les lois de l’alimentation dans les deux règnes des êtres vivants sur la terre, nous pourrions vous les montrer communiant ensemble à la table de la nature, et se nourrissant mutuellement les uns les autres, par le sacrifice de leur propre vie.

Jetons seulement un coup d’œil sur la plante.

Elle cherche d’abord sa nourriture dans la terre où elle est née pour former son corps. C’est la vie inférieure, ténébreuse, toute matérielle. Mais voici qu’elle sort de terre, qu’elle s’élève, qu’elle s’élance comme nous, vers la lumière, vers le soleil, vers le ciel. On croirait qu’elle entre, comme nous, dans la vie intellectuelle, car elle va faire de l’art, supérieur aux œuvres des plus grands artistes, pour remplir sa fin, qui est d’orner la création.

Alors les sucs que ses racines puisent dans le sol ne suffisent plus à son alimentation ; car son être a grandi ; elle aspire à un idéal de beauté qu’elle réalise dans ses fleurs, et même à une vie future, qu’elle atteindra en produisant des semences et des rejetons.

Elle se nourrit alors par la tête, par les branches, par les feuilles, qui absorbent à la fois les gaz répandus dans l’air, la chaleur et la lumière qui rayonnent du soleil, et les ondées vivifiantes qui lui viennent du ciel.