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LE CENTURION

roi, et il s’esquive ! Il n’aurait qu’à faire un signe et, demain, toute la Galilée serait debout pour proclamer sa royauté ; et je me demande comment vous pourriez l’en empêcher, gouverneur.

Or, il fuit tous ces hommages du peuple. Il se prépare à mourir, à la fleur de son âge, sans avoir goûté aucun des plaisirs de la vie ; il court au-devant de cette mort, parce qu’il la dit nécessaire à l’établissement d’un royaume dont il ne jouira pas !

Et vous appelez cet homme un ambitieux ! Depuis quand les ambitieux travaillent-ils pour la gloire et la jouissance des autres ? Et quel ambitieux fut jamais assez insensé pour croire qu’il sera plus puissant mort que vivant ?

Non, rien ne trahit l’ambition en Jésus. Rappelez-vous César.

Est-ce pour ses successeurs ou pour lui-même qu’il convoitait l’empire ?

Et Auguste ? Travaillait-il pour les autres en reprenant le dessein de César ?

Était-ce pour y faire monter son ombre après sa mort, qu’il confectionnait un trône ?

Non, l’ambition humaine a son histoire, et celle de Jésus de Nazareth en est la contre-partie.

Dites plutôt que c’est un fou, ou qu’il paraît l’être, parce que sa conduite renverse toutes les données de la sagesse humaine. Dites que c’est un excentrique, puisqu’il vit et pense, et agit en dehors de la sphère de nos connaissances et de nos capacités.