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LE CENTURION

Le soleil était couché, et la nuit étendait sur toutes choses son voile mystérieux, qui devenait de plus en plus sombre. La brise du soir soufflait à peine, et les flots chantaient pianissimo leur nocturne plaintif et monotone. Les orangers en fleurs parfumaient l’air, et les étoiles qui s’allumaient au firmament jetaient sur les vagues des poignées de diamants.

Le silence des deux promeneurs dura longtemps. Ce fut Camilla qui le rompit.

— Vous n’avez plus rien à me dire, Caïus, rentrons.

— Pas encore, Camilla, j’ai mille choses à vous dire.

— Dites-m’en une seulement.

— Oui, une seule, celle qui résume toutes les autres : Je vous aime, Camilla. Il y a longtemps que ce sentiment grandit dans mon cœur, et que ce mot veut s’échapper de mes lèvres. J’attendais l’heure propice, l’heure qui décide des destinées. Or, il me semble qu’elle est venue cette heure ; si je croyais encore à nos Dieux, je dirais qu’ils l’ont préparée pour moi en ce jour, et je ne veux pas la laisser échapper.

Le poids qui comprimait mon cœur et qui l’empêchait de s’épancher, vous l’avez soulevé. Le bâillon qui me condamnait au mutisme, vous l’avez arraché. Puisque vous êtes libre, je le suis aussi. La liberté de ma parole dépendait de celle de votre cœur.