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LE CENTURION

Au lever du jour, il n’avait pas osé retourner au palais du grand-prêtre, où s’instruisait le procès final de Jésus devant le Sanhédrin au complet. Ce théâtre de son crime lui faisait horreur.

Mais, perdu dans la foule qui encombrait la cour du Prétoire, il avait suivi avec une douleur toujours croissante toutes les péripéties du grand drame judiciaire ; et toujours mêlé à la multitude il avait fait partie du lugubre cortège.

Quand il aperçut Jésus en croix, il tomba la face contre terre, il crut qu’il allait mourir avec lui. Mais un flot de larmes le soulagea, et se relevant bientôt il se faufila entre les soldats pour voir son Maître de plus près.

Alors le divin crucifié releva la tête, et jeta sur lui un long regard. Ce n’était plus ce regard accusateur qui avait transpercé sa conscience dans la cour du grand-prêtre, ni le regard courroucé du juge qui fixe obstinément la figure fuyante d’un traître.

C’était un regard de douleur et de sympathie, de miséricorde et de pardon. C’était le regard ému du Père au retour de « l’enfant prodigue ».

Jésus semblait dire : Pauvre Pierre ! je connais toute l’étendue de ta douleur, et je te pardonne. Ton reniement est oublié, et je ne me souviens plus que de tes protestations d’amour, et de foi, si spontanées, si sincères, si ardentes.

En dehors du cercle formé par les soldats, s’agitait une foule qui semblait entièrement composée d’ennemis de Jésus. Il comptait pourtant bien des