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LE CENTURION

lac tant aimé, et quelques-uns pleuraient en silence.

La nuit venait, et la faim se faisait sentir. C’était Judas de Kérioth qui leur fournissait des provisions, aux jours heureux qui ne reviendraient plus.

Mais le malheureux, dont ils ne voulaient pas rappeler le nom, et qu’ils maudissaient en eux-mêmes, était à jamais disparu, comme une meule de moulin jetée au fond de la mer.

Pierre était immobile et silencieux comme les autres ; et cependant, n’était-il pas désormais le chef de la petite communauté désorganisée ? N’était-ce pas à lui de ranimer leur énergie et leur courage, et de leur indiquer la seule chose à faire, en attendant qu’ils fussent devenus des pêcheurs d’hommes ?

Alors, il se leva, et faisant un pas vers sa barque, il dit : « Je m’en vais pêche r».

— Et nous aussi, repartirent les six autres apôtres qui étaient avec lui ; nous allons avec toi.

Toute la nuit ils parcoururent le lac en tous sens, s’arrêtant à toutes les bonnes places de pêche qu’ils connaissaient, et y jetant patiemment leurs filets. Mais le lac semblait aussi vide que leur demeure solitaire ; et quand l’aube parut, ils tentaient encore une dernière chance non loin de la rive, qu’ils distinguaient à peine dans la buée matinale.

Soudain un cri s’éleva du rivage : « Enfants, n’avez-vous rien à manger » ? — Non, répondirent-ils.