Page:Routhier - Les hommes du jour, le cardinal Taschereau, 1891.djvu/11

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Le temps n’est pas encore venu de juger les débats auxquels il a dû prendre part et de mettre en pleine lumière les questions débattues. Tout ce qu’on peut dire aujourd’hui, c’est que Rome lui donna le plus souvent raison.

Mais il est certain que, même au milieu de ses luttes, il a toujours soupiré après la paix religieuse et toujours travaillé à la rétablir. Il adopta toujours volontiers cette règle tracée par saint Augustin : « Pro pace Christi episcopi debent esse, aut debent non esse, — Les évêques doivent être pour la paix chrétienne, ou ils ne doivent pas être ; » et il a dû se répéter souvent cette autre parole du même évêque : « Notre épiscopat doit tendre sans cesse à procurer au peuple chrétien une paix chrétienne. »

Mais la paix chrétienne n’est pas la paix à tout prix. Il est des choses qu’il n’est pas permis de sacrifier, même pour avoir la paix, et dont la défense rend la guerre inévitable. Voilà pourquoi ce pacifique a soutenu beaucoup de luttes.

Ses critiques lui ont pourtant reproché de ne pas assez combattre et de sacrifier trop à son amour de la paix. Il fut un temps où il me semblait à moi-même qu’il poussait à l’excès l’horreur des polémiques, et que ce silencieux ne savait pas se taire à propos.

Mais les années ont calmé chez moi cette ardeur de la lutte qui animait ma jeunesse, et, plus j’avance dans la vie, plus je comprends combien il est difficile de discerner justement quel est le moment de parler et quel est celui de se taire.

Il fut un temps où la tolérance me semblait une faiblesse ; mais l’expérience acquise m’a convaincu qu’elle est une force, pourvu qu’elle soit proprement appliquée et mesurée. C’est une témérité condamnable de sacrifier le bien en luttant pour obtenir le très bien.

La tolérance et la modération me semblent tout particulièrement des vertus épiscopales. « Episcopus debet esse mansuetus, » disait saint Jean Chrysostôme, « ut magis indulgendo quam vindicando regat Ecclesiam, ut magis ametur quam timeatur, — Un évêque doit être plein de mansuétude, pour régir par le pardon plutôt que par le châtiment, pour être aimé plutôt que craint. »

Cependant, tout pacifique qu’il est, Mgr. Taschereau a soutenu plusieurs polémiques, quelques-unes même dans la presse. Et maintenant que le calme s’est fait sur le sujet de ces polémiques, nous