Page:Routhier - Les hommes du jour, le cardinal Taschereau, 1891.djvu/7

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rosée de la piété, mûrissait peu à peu et convertissait en fruits de bénédiction.

« Un matin, que je me garderai bien d’appeler un beau jour, on vint me dire tout d’un coup : « Votre jardin s’est agrandi : il est devenu un vaste champ, un diocèse, toute une province ! »

« Et j’ai dit : Fiat voluntas ! Mais mon cher petit jardin sera toujours à moi, comme je serai toujours à lui. C’est là que la divine Providence me plaça jadis, humble plante, pour m’y taire prendre racine et m’abreuver de sucs bienfaisants ; je tiens à cette terre par trop de fibres pour qu’on m’en arrache sans me faire mourir. Je consens, puisqu’il le faut, à devenir un grand arbre, qui ombragera toute une province, pourvu que mon cher petit jardin soit encore là, près de moi, protégé par mes branches, et me réjouissant toujours par ses fleurs et par ses fruits… »

Je crois avoir quelque notion des divers genres d’éloquence sacrée, et je ne connais rien de plus suave, de plus ému, de plus gracieux comme forme, de plus pathétique comme sentiment, de plus touchant comme tableau, que cet admirable petit discours. Saint François d’Assise, le poète de la nature, et saint François de Sales, le poétique orateur du sentiment, n’ont rien écrit de plus naïf et de plus charmant.

L’épiscopat ne devait pas être la dernière étape de notre éminentissime compatriote dans la voie des honneurs.

Après quinze années de labeurs et de peines, de travaux et de luttes, de courses apostoliques et de voyages entrepris pour la cause de l’éducation et pour le plus grand bien de l’Église canadienne, il fut jugé digne des plus hautes distinctions, et le Saint-Père voulut le revêtir de la pourpre cardinalice.

Ce fut une grande joie pour tous les Canadiens, et la presse, anglaise et française, protestante et catholique, fut unanime à féliciter chaleureusement le nouveau dignitaire, et à remercier le Souverain-Pontife de lui avoir conféré cet honneur.

Québec fut alors témoin des fêtes les plus grandioses qu’il ait jamais vues. L’imposition des insignes de la nouvelle dignité et la collation de la barrette cardinalice donnèrent lieu aux plus imposantes solennités et à des réjouissances extraordinaires.

Toutes les parties du pays et toutes les classes de la société voulurent prendre part à ces fêtes et s’y firent représenter. Les rues