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LA MAIN DE FER

les passer ; après, je les donnerai à nos hommes en leur assignant un point à défendre !

Les deux braves désignés par le sergent gravirent une échelle appliquée au flanc du vaisseau et disparurent par dessus bord.

Alors, LaVerdure appela autour de lui tous les gens du chantier, et leur communiqua rapidement la nouvelle du danger qui les menaçait, tout en les rassurant, et promettant à chacun une arme pour se défendre.

LaVerdure achevait de parler, qu’une voix criait de l’intérieur de la coque :

— Sergent ! sergent !

— Qu’y a-t-il ? demanda l’officier, en montant vivement dans l’échelle.

— Il y a, répondit Provost, dont la tête apparut au-dessus de la paroi du vaisseau : il y a que les munitions ne valent pas un sou actuellement : tout est mouillé, trempé !… poudre en baril, comme celle dans les fusils !…

— Vous dites : mouillé ?… mais il n’a pas plu la nuit dernière… et d’ailleurs, tout était à couvert… comment expliquer ça ?… cette eau ?…

— Ça n’a pas été fait par les anges, répondit Roy, surgissant au côté de Provost. Sergent, il y a un traître parmi nous !

Un traître ?

Et cette exclamation jaillit de toutes les lèvres, modulée sur différents tons.

Et chacun de se regarder défiant et inquisiteur.

— Nous aurons une enquête là-dessus, plus tard, annonça le sergent. Pour le quart d’heure, chacun à son poste et armez-vous aussi bien que possible de haches, de couteaux, etc. Toi, fit-il, s’adressant à L’Éveillé, tu as de bonnes jambes, tu vas courir prévenir M. de Tonty de ce qui se trame ici et lui demander secours ! Allons ! mon brave, détale, et vite !… La vie d’un grand nombre dépend de toi !

L’Éveillé ouvrit le compas de ses jambes, et partit comme un chevreuil.

LaVerdure plaça en-dedans du navire une provision de cailloux, et y apporta sous le titre de grenadiers, les bras les plus adroits de son contingent, qui pouvaient à vingt pas d’une pierre frapper un papegai une fois sur dix. Les Sauvages fourniraient un but autrement facile à atteindre. À ces francs-tireurs, ordre était donné de tenir l’ennemi à distance avec leurs projectiles.

Plus près, tout autour du « Griffon » le sergent plaça d’autres hommes. Ceux-ci maniaient fort dextrement, l’un, une massue ; tel autre, une perche ayant un couteau emmanché au bout, en guise de lame. Ils ne devaient combattre que serrés de près. Enfin, quatre autres défendaient la forge sise à quelques verges du bateau. Leurs armes, de longues tiges de fer, rougissaient au feu, que soufflait ardemment Frédéric.

Tous ces préparatifs de défensive décidée, le sergent s’exclama :

— Qu’ils viennent maintenant !… la soupe est prête à servir !

On aurait dit que les Tsonnontouans n’attendaient que cet appel, pour déboucher tout à coup d’un bosquet voisin, et se précipiter en hurlant sur les vaillants ouvriers de Tonty.

Les cris des sauvages étaient terrifiants. À cent pas du navire, les peaux-rouges s’arrêtèrent ensemble. L’un d’eux, le chef, se rapprocha encore un peu, et cria en français :

— Rendez-vous, et vous aurez la vie sauve ; nous n’en voulons qu’à votre barque, que nous allons détruire. Si vous y mettez obstacle, tant pis pour vous !…

Cette sortie demeura sans réponse. Voyant cela, le chef se tourna vers sa troupe et la harangua. Puis les Sauvages, jetant de nouveau des cris de forcenés, se précipitèrent à l’assaut.

Les tireurs de cailloux attendirent que l’ennemi entrât dans la zone de ses grenades pour les lancer. Ce fut une grêle de pierres ! Les sauvages, à ce choc inattendu, s’arrêtent, vacillent et plient. Ils se retirent hors des cailloux meurtriers et se consultent.

Leur plan de combat est vite modifié.

Ils allument des brasiers sur place, puis en prennent de gros tisons qu’ils lancent en s’approchant autant que possible de la barque. L’équipe de LaVerdure a fort à faire pour empêcher un incendie.

Les gardiens de la forge ne sont pas inactifs non plus. Des guerriers iroquois bondissent autour d’eux et cherchent à les terrasser, mais les Canadiens les tiennent au bout de leurs tiges de fer, qu’ils brandissent comme des épées flamboyantes.

La lutte dure depuis trois quarts d’heure, lorsque du sommet d’une colline une grande clameur retentit !

— Hourra ! c’est du secours ! c’est Tonty !

À cet aspect, les Tsonnontouans s’enfuient.