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EN ROUTE POUR LE NORD-OUEST

Ou d’autres du même genre.

Tous ceux à bord qui pouvaient chanter le faisait avec un vif plaisir.

Et le chœur, un chœur formidable, puissant, réveillait gaiement les échos sonores d’alentour.

Le soir venu, le commandant ordonnait l’atterrissage. Le souper se prenait avec appétit ; puis, les sentinelles placées, les autres personnes se livraient au repos.

Après un voyage de six semaines, sans alerte, sans rencontre fâcheuse, tout le monde arrivait, le 12 juillet, à Michilimakinac, où les Français avaient un poste.

C’est à ce poste que M. de Saint-Pierre rejoignit les frères de la Vérendrye ; il offrit des excuses à François pour la conduite qu’il avait tenue envers lui. Il se dit bien fâché de ne pas les avoir avec lui, et leur témoigna beaucoup de regrets.

Joseph crut le moment favorable pour parler et demanda la permission de suivre son ami, M. de Noyelles, ce à quoi M. de Saint-Pierre consentit sur le champ.

Ayant pris un repos de trois semaines, ils partirent pour le Sault Sainte-Marie.

En arrivant en cet endroit, ils rencontrèrent des gens d’en haut retournant à Montréal. Ces hommes étaient partis de bonne heure au printemps et revenaient, leurs canots lourdement chargés de riches pelleteries. Les canotiers de la troupe de M. le chevalier de Saint-Pierre, en les apercevant, les saluèrent des cris de : « Bonjour ! Comment ça va, les mangeurs de lard ? »

Ceux que l’on apostrophait ainsi répliquèrent sur le même ton : « Eh ! mais pas trop mal, mangeurs de suif et de blé d’inde ! »

Les voyageurs qui montaient — c’était le terme employé lorsqu’on se rendait dans les pays du Nord-Ouest — que pour faire le convoi des fourrures, demandaient une meilleure nourriture que leurs confrères qui s’engageaient pour aller faire la traite ou toute expédition de longue haleine, etc., et on leur donnait du lard, d’où leur était adressée par dérision l’épithète de : mangeurs de lard[1].

Les Français firent, au Sault, une halte de quelques heures tout au plus, puis ils entrèrent dans le lac Supérieur dont ils côtoyèrent la rive nord jusqu’à la rivière de la Flèche, vis-à-vis l’extrémité sud de l’Île Royale.

Le lendemain, ils quittaient ce lieu pour le fort Saint-Pierre, au lac La Pluie, le premier établissement des postes de l’Ouest.

Le plus difficile du voyage commençait, et il fallait une pratique bien formée pour en connaître tous les chemins.

Du lac Supérieur au fort Saint-Pierre la distance est de deux cent-cinquante milles environ, mais il y avait dix portages à faire, tantôt du côté nord, tantôt du côté sud de la rivière. Le premier de ces portages, et le plus long est de trois lieues.

Aussitôt arrivé à ce premier poste, M. de Saint-Pierre convoqua en assemblée, tous les sauvages des environs et dans une harangue

  1. Le Can. Antiquarian, vol. III page 48 — 1893, publié à Montréal.