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UNE TRAHISON

Mais ces derniers s’éloignèrent bientôt et, le lendemain, de la Vérendrye rentrait au fort avec ses compagnons, sains et saufs, et leur canot chargé de gibier.

Ils furent reçus avec joie par de Noyelles et les autres soldats[1].

Pierre mit aussitôt son ami au courant des faits de la veille, et lui apprit en même temps que, après l’évacuation pressée des sauvages, il avait constaté que Brossard avait disparu, entraîné probablement par les Assinibouëls.

— Mais pourquoi avais-tu permis à tout ce monde d’entrer dans le fort ? demanda Joseph. C’était extrêmement dangereux, et nullement nécessaire.

— Je ne leur ai pas donné accès au fort, et mes hommes interrogés sur ce point, m’assurent énergiquement être innocents de cette imputation : sauf Brossard que je n’ai pu questionner, puisqu’il a disparu.

— La figure de cet homme, déclara Joseph, ne m’allait pas du tout, mais ce ne serait pas une raison pour le juger. Depuis l’affaire de notre étrange et profond sommeil, qui a permis notre facile capture par les Kinongé-Ouilini, j’ai des doutes sur l’honnêteté et la loyauté de ce gaillard envers nous ; et je t’avouerai bien, mon cher Pierre, que je le crois capable de nous avoir trahis encore une fois. Heureusement, ton courage nous a sauvés d’un désastre, ou plutôt, d’une mort terrible. Eh ! bien ; maintenant qu’il n’est plus avec nous, j’en suis content.

— Mais il devait avoir un motif pour agir ainsi ?

— Certes !… À mon avis, Brossard connaît quelque chose de notre secret, mais pas assez pour travailler seul.

— Tu te trompes, Joseph ; comment aurait-il réussi à connaître ce que nous avons toujours caché ? Personne n’a vu nos papiers, et nous n’avons jamais conversé ensemble sur ce sujet assez haut pour qu’une oreille indiscrète en bénéficiât.

— Dieu veuille qu’il en soit ainsi, mais c’est mon opinion que je t’exprime… Et, maintenant, mon cher Pierre, j’ai à t’apprendre une bonne nouvelle : les petites cartes, contenues dans l’amulette sont exactes ; car en remontant cette rivière jusqu’à sa source, j’ai presque côtoyé la montagne La Pipe ; j’ai passé à l’extrémité Est des deux Jumelles, et du mont Rond, et finalement nous nous sommes arrêtés entre les Crocs. J’en savais assez ; et je ne me suis pas attardé plus longtemps dans cette partie du pays. Il nous reste à combiner un plan pour extraire l’or du flanc de l’une des Jumelles, et déterrer la fameuse pépite près de la grotte, sans que nos hommes aient vent de nos affaires.

— Oui ; parce que la fièvre de l’or n’aurait qu’à s’emparer d’eux ; ils exigeraient part égale, et notre vie pourrait être en danger.

— C’est cela ! Et M. de Niverville qui doit venir bientôt !… Ne crois-tu pas qu’il serait préférable de le mettre dans le secret, lui ? demanda Joseph.

  1. M. de Saint-Pierre raconte une aventure semblable qui lui arriva au fort la Reine.