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UN TRISTE ÉVÉNEMENT
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« Ces sauvages s’avisèrent de s’emparer de nos biens et de tuer notre monde. Ils massacrèrent d’abord ceux qui avaient répondu à leur appel, puis, traversant l’espace qui les séparait, de nous, ils nous attaquèrent et se rendirent maître de notre établissement. Je vis mon père tué presque sous mes yeux. Je le vengeai. D’un coup de fusil déchargé à bout portant, j’étendis raide mort à mes pieds l’auteur de la mort de mon père. Mais je ne pus faire davantage. On me saisit et l’on me garrotta. Le soir, j’assistai, de la terre ferme, à l’incendie qui consuma nos biens, les cadavres de mon père et de ses hommes.

« Le reste vous est connu, senors… »

Et elle se mit à pleurer.

La vue de cette jeune fille en larmes bouleversa profondément ces deux hommes, dont l’un surtout avait vu bien des chagrins, compté bien des douleurs.

Ils essayèrent de la consoler, mais ne savaient comment s’y prendre, et à la fin, leurs paroles, un peu gauches, embarrassées, amenèrent sur les lèvres de Dona Maria un faible sourire.

Enfin, elle sut redevenir maîtresse d’elle-même.

Senors, mille pardons ! dit-elle, je n’aurais pas dû vous faire ce récit et vous causer un tel émoi avec mes larmes, mais c’est fini.

C’est ainsi que Joseph et Pierre connurent l’histoire de l’Espagnole…

Bientôt on arriva au pays où, l’année précédente, les Français étaient tombés au pouvoir des Kinongé Ouilinis, grâce au narcotique de Brossard.


XVIII

UN TRISTE ÉVÉNEMENT


Joseph se demandait avec angoisse quelle chance ses deux canots auraient de passer inaperçus devant le village des Kinongé-Ouilinis, coquettement disposé au bord de l’eau.

Ah ! s’il n’avait pas à protéger Dona Maria ! s’il n’avait pas aussi à rendre à bon port le trésor de la montagne de Roche, il ne craindrait pas une escarmouche, voir un combat avec les sauvages !

Pour plus de sûreté, il attacha les deux embarcations ensemble, présentant de la sorte un objectif moins grand aux balles ou aux traits de l’ennemi, si l’attaque avait lieu.

Puis, de la Vérendrye déployant sa voile, à la brise, et donnant l’ordre à ses hommes de nager vigoureusement, s’avança rapidement et bravement vers le point dangereux.

Il n’y avait alors au village indien que de vieilles femmes, des enfants, et de vieux guerriers invalides, qui poussèrent une grande clameur en voyant passer les blancs. Le rivage était veuf des embarcations des Kinongé-Ouilinis. Joseph pensa que ces sauvages les avaient cachées dans leur bourgade et qu’ils étaient en excursion dans les terre. Joseph se félicitait intérieurement de cette bonne fortune.

À cet endroit du pays, un amas de montagnes existe, connu sous