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98 HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

Quito ; Joseph Acosta, dans son Histoire de l’Inde, Papas, et Benzoni Pape : c’est de là qu’on leur a donné le nom de Papas des Indes ou Papas des Espagnols. Les Italiens appellent ces tubercules Tartuffoli, parce que c’est le nom qu’on a l’habitude de donner aux Truffes, et les Allemands nomment la plante Grüblingbaum, c’est à-dire Arbre à truffes.

» Dans l’année 1590, j’ai reçu du Dr Scholtz, sous le nom de Pappas des Espagnols, un dessin colorié de cette plante, et ne l’ayant trouvée décrite nulle part, j’en ai donné la description dans mon Phytopinax en la nommant Solanum tuberosum, puis dans mon édition des Commentaires de Matthiole, Solanum tuberosum esculentum, en y ajoutant une figure, et j’en ai transmis le dessin à Clusius[1]. J’en ai fait un Solanum, à cause de la ressemblance de ses feuilles avec celles de la Tomate ; de ses fleurs, avec celles des Aubergines ; de ses fruits, avec ceux de la Morelle noire ; de sa semence, avec celle de presque tous les Solanum ; enfin, en raison de l’odeur de toute la plante qu’elle a de commun avec les Solanum.

» Chez les Indiens, ses tubercules remplacent le pain : ils les appellent Chunno. Ils les déterrent, les font sécher en les exposant au soleil, et lorsqu’ils sont secs, ils les brisent en plusieurs morceaux qui leur servent à préparer un aliment nommé Chunno, qui se conserve assez longtemps. Mais ils mangent parfois aussi les Papas encore verts, soit cuits, soit rôtis. Je rapporte ceci d’après Acosta, qui ajoute qu’on plante également une autre sorte de Papas dans les vallées les plus chaudes, et qu’on en prépare un mets appelé Locro. Il en est de même, dans l’île de Virginie, où la plante croit dans des lieux humides et marécageux : on consomme les tubercules cuits dans l’eau. Chez nous, on fait parfois rôtir les tubercules sous la cendre comme des Truffes ; puis on enlève la cuticule et on les mange avec du poivre. Quelques-uns les font rôtir, les nettoient, les coupent en tranches, les fricassent dans une sauce grasse avec du poivre et les mangent à titre de bon reconstituant. D’autres les croient d’un excellent usage pour les personnes affaiblies et les recommandent comme un aliment salutaire. Ils


  1. — Charles de l’Escluse ne paraît pas avoir tenu compte de l’envoi de ce dessin, qu’il ne mentionne même pas. De là peut-être le motif de la rancune que lui en garde G. Bauhin, et qui a assez mal inspiré ce dernier en trompant l’opinion sur la véritable origine de la Pomme de terre.