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même matière. Il faut nécessairement briser les entraves qui le fixent, & ces entraves ne sont que les molécules des corps même auxquels il adhère, peut-être par simple juxtaposition, & certainement par combinaison. Le feu & les acides sont les moyens méchaniques les plus puissans pour produire cet effet dans le règne minéral, & les fermentations spiritueuse & putride le dégagent naturellement des substances végétales & animales.

L’action du feu poussé à un degré plus ou moins fort, la distillation & la combustion viennent à bout d’extraire l’air fixe de la plupart des corps qui le contenoient. C’étoit le moyen dont se servoit M. Hales ; il soumettoit à la distillation les matières qu’il vouloit examiner. La chaleur commence d’abord à raréfier ce fluide & à le faire jouir d’un certain degré d’expansibilité ; le mouvement qu’elle donne à toute la masse en général, & à chaque molécule en particulier, détruit l’aggrégation entre elles & l’air fixe ; il se dégage de sa base, s’échappe à travers les pores souvent avant que la forme extérieure du corps soit changée, mais jamais sans une diminution réelle dans le poids total. En faisant communiquer la cornue, dans laquelle se fait la distillation, avec un tube recourbé qui s’ouvre dans un bocal renversé & plein d’eau, l’air qui s’échappe monte à travers l’eau & remplit le haut du bocal. Tel est, en peu de mots, & l’appareil de la distillation, & le jeu de cet appareil. M. Hales ayant essayé des substances des trois règnes par ce procédé, trouva qu’un demi-pouce cubique, ou 158 grains de charbon de terre, fournit 180 pouces cubiques d’air, ou le tiers du poids total ; un pouce cubique de terre vierge, & fraîchement enlevée d’une commune, 43 pouces cubiques d’air ; un quart de pouce cubique d’antimoine donna 28 fois son volume d’air ; un demi-pouce cubique de cœur de chêne produisit 128 pouces cubiques d’air ; de 142 grains de tabac sec, il s’éleva 153 pouces cubiques d’air ; un pouce cubique de sang de cochon, distillé jusqu’aux scories sèches, produisit 33 pouces cubiques d’air ; 241 grains de corne de daim distillés, fournirent 117 pouces cubiques d’air, c’est-à-dire, 234 fois leur volume. L’on voit par-là quelle est l’immense quantité d’air fixe combiné avec les corps des trois règnes.

La distillation n’est pas le seul moyen par lequel le feu dégage ce fluide ; la simple combustion suffit pour bien des substances, surtout pour le charbon. Cette vapeur qui s’échappe d’un brasier, & dont les effets sont si funestes, n’est que l’air fixe qui s’exhale, & qui, s’unissant avec l’humidité répandue dans l’atmosphère, devient à la longue sensible, sous la forme de fumée.

Nous avons déjà remarqué que l’air fixe adhéroit quelquefois très-fortement à sa base ; il faut une vraie décomposition du mixte pour pouvoir l’extraire. Les acides, en général, attaquant avec force & énergie les substances sur lesquelles on les verse, changent absolument l’ordre des parties ; ils s’unissent aux molécules terreuses ou métalliques, forment avec elles de nouveaux composés, tandis que l’air