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susceptibles de fermentation ; elles subissent la fermentation panaire, vineuse, acéteuse, & quelquefois putride ; toutes doivent subir la fermentation digestive dans l’estomac & les intestins. Cet air, introduit avec les alimens, commence à se dégager de sa base par la chaleur intérieure, par la trituration que les alimens éprouvent, par le mouvement péristaltique & oscillatoire des organes de la digestion, & sur-tout par ce levain naturel, ce dissolvant très-actif, séparé continuellement de la masse du sang artériel par les glandes disséminées dans l’ésophage & dans le ventricule. Ce dissolvant animal est aux alimens ce que les acides sont aux substances pierreuses ; il en dégage l’air fixe. Dans l’estomac, les alimens singulièrement divisés par la salive & le suc piquant du ventricule, prennent une forme fluide & très-liquide, & dès-lors plus propre à subir la fermentation. L’air fixe, abandonnant les parties les plus grossières, se combine à cette liqueur homogène & grisâtre, qui, pressée par la contraction de l’estomac, enfile le pylore & entre dans les intestins. Là, la bile & le suc pancréatique purifie encore l’air fixe de l’air atmosphérique & de l’air inflammable avec lesquels il étoit uni ; ceux-ci pénètrent le canal intestinal avec les parties qui n’ont pu se digérer, & s’échappent, tantôt combinés encore avec la substance excrémenteuse, tantôt dégagés sous la forme de flatuosités & d’air inflammable tandis que l’air fixe, mêlé avec le chyle élaboré de nouveau par le mouvement vermiculaire des intestins, entre avec lui dans les veines lactées, pénètre jusqu’au cœur, se mêle au sang, anime sa couleur, circule avec lui en portant de toutes parts un principe de nourriture & de connexion. Dans sa course, il est absorbé par tous les fluides, & s’échappe avec eux par tous les vaisseaux excrétoires. Telle est la marche de l’air fixe, il entretient & consolide tout.

Mais s’il paroît concourir au bien de l’animal lorsqu’il est dans une juste proportion, que son élaboration est bien faite, il est le principe de très-grands désordres, lorsqu’il devient surabondant. Alors, bien loin d’entretenir le corps dans cet équilibre général qui constitue la santé, il fait entrer en fermentation tous les fluides, porte le trouble par-tout, & donne naissance à des maladies aiguës & contagieuses. Dans ce cas, ses ravages commencent insensiblement ; il empoisonne pour ainsi dire sourdement les sources de la vie, & conduit à la destruction par une marche d’autant plus terrible, qu’elle est d’abord moins connue & moins frappante.

Il est d’autres circonstances où l’air fixe attaquant directement les organes de la respiration, devient un poison actif & violent, & suffoque rapidement les animaux qui y sont exposés. Autant ce fluide produit de bien pris intérieurement, par la déglutition, combiné avec les alimens & les boissons ; autant son application est salutaire dans bien des circonstances, autant il est terrible quand il est respiré. On éprouve d’abord un mal-aise & des anxiétés considérables ; la poitrine se serre, la respiration devient difficile, courte & fréquente, les nausées se font sentir & sont souvent suivies